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J’étais en maternelle la première fois que j’ai vécu du taxage par rapport à mon expression de genre. J’étais arrivé.e à l’école en portant les vieux vêtements de mon frère, parce que je les aimais. À cause de ma coupe de cheveux courte, deux filles de mon école, toutes deux plus âgées, se sont moquées de moi parce que j’avais l’air d’un garçon. C’était à ce point-là que j’ai réalisé que notre société était binaire et que j’allais devoir me conformer à ces normes pour être accepté.e. Je ne me souviens pas de grand-chose du temps de ma jeunesse, mais cet événement-là reste sculpté dans ma tête et influence encore les décisions que je fais aujourd’hui. J’ai toujours peur de couper mes cheveux trop courts ou de porter des vêtements trop masculins, même si ce sont des choses qui me rendraient heureux.se.

Quand j’étais en 5e année, j’ai remarqué que je n’étais pas comme les autres. Mes amies parlaient des garçons attrayants des séries télévisées et les garçons dans notre classe qu’elles aimaient. Moi, je trouvais les filles dans les séries plus belles et je ne voyais pas comment elles pouvaient aimer les garçons. C’est pour cette raison que j’ai appris à mentir. Je croyais que je devais faire semblant d’aimer les garçons pour que les autres m’acceptent, alors toutes les quelques semaines, je choisissais un nouveau garçon à aimer. Je ne comprenais pas pourquoi je paniquais et que j’arrêtais d’avoir un  « crush » sur le garçon aussitôt qu’il m’aimait en retour. Pour ma cérémonie d’adieu en 8e année, étant au plein milieu de la COVID, nous avons fait un Kahoot! portant sur les élèves de notre classe. Une des questions était : Elle est « boy crazy » ! Bien sûr, la réponse à cette question était Mireille (ironique, non ?).

Le secondaire était un moment tournant pour mon identité. J’ai eu la chance de rencontrer d’autres personnes comme moi, qui avaient les mêmes pensées que moi au sujet des filles. Pour me protéger, par contre, je me suis dite bisexuel.le, puisqu’au moins je serais à moitié « normal.e ». Je suis alors sorti.e avec des garçons que j’aimais seulement comme amis. À cause de ça, j’ai brisé plus de cœurs que simplement le mien. La pensée était aussi fautive ; aucune identification hors du stéréotype binaire allait me protéger.

Je me souviendrai toujours du garçon qui m’a dit que je devrais aller me tuer après que j’avais rejeté son invitation à sortir. Il m’avait ensuite dit qu’il aurait pu se débarrasser de mon péché pour que je n’aille pas en enfer. Ce sont ces commentaires qui avaient mené à l’écriture de mes lettres d’adieu.

Je me souviendrai de la personne qui a pris le drapeau arc-en-ciel du mur de l’école, que j’avais payé de poche, et qui l’avait amené à l’extérieur pour le déchirer et le brûler. Ce sont ces actions-là qui ont alimenté ma peur d’être ouvertement moi-même.

Je me souviendrai des visages négatifs et des rires qui m’étaient adressés en parlant du groupe de diversité que j’avais créé à mon école alors que j’étais en 10e année. Ce sont ces réactions qui ont assuré ma peur de me prononcer sur des enjeux.

Je me souviendrai de l’enseignant.e qui a refusé de participer à mon projet d’art pour la parade de la fierté puisque ces identités-là allaient contre sa religion. Nous portions le même collier de croix autour du cou, étant tous les deux catholiques. C’est ce refus-là qui a forcé ma bataille interne entre l’identité et la religion.

Je me souviendrai du vandalisme et de la poubelle retrouvée dans mon casier suite à l’ajout d’un collant arc-en-ciel sur celui-ci. C’est ce même dommage qui m’a forcé à y mettre un cadenas.

Je me souviendrai du moment où un garçon avait saisi mes seins et de mes ami.es qui avaient ri lorsque je leur ai dit. Ce n’est que plus tard que j’ai appris que je m’étais fait.e agresser sexuellement, vu que c’était sans consentement. Mais c’est seulement après avoir été agressé.e par une de mes « amies »à l’université que j’ai pu l’apprendre.

Finalement, je me souviendrai de la personne qui m’avait dit que Jésus m’aimait encore, mais qu’elle ne m’aimait pas et ne voulait plus être amie avec moi à cause de mon orientation sexuelle. Cette personne est ensuite allée dire à n’importe qui qui voulait l’écouter que j’avais de sérieux problèmes de santé mentale et que personne ne pourrait être ami avec quelqu’un rendu à ce point-là. Ce sont ces remarques qui ont causé ma solitude au sein d’une école remplie de personnes.

Oui, le secondaire était un point tournant pour mon identité, mais c’était aussi quatre années de bataille interne et externe. Quatre années d’évènements qui n’auraient pas dû se passer. L’éducation sur le taxage, le bien-être, les lois et la justice sociale, l’intersectionnalité, le consentement et la santé sexuelle m’auraient protégé. Cependant, à la fin des 4 années, j’étais brûlé.e. Brûlé.e de lutter contre un système brisé et contre des personnes qui ne me comprennent pas grâce à un grand manque d’éducation. Même rendue à l’université, je dois encore me battre contre ces obstacles.

Mais tout n’était pas seulement rempli de douleur. Pendant ce temps, j’ai aussi eu la chance de participer au projet Des Nôtres, qui m’a offert une communauté de jeunes comme moi. C’était un espace sécurisé où je pouvais réfléchir et m’exprimer pleinement. Ce soutien des jeunes de ma communauté m’a permis de me sentir entendu.e et m’a montré à quel point une communauté peut changer le parcours d’un jeune. La participation à ce projet m’a aussi prouvé que les choses peuvent être différentes, surtout quand des jeunes comme moi se battent pour voir un changement. Cette nouvelle communauté m’a aidé à changer ma douleur en action. Ceci est un exemple concret de ce que nous pouvons offrir aux jeunes si nous choisissons de bâtir des environnements inclusifs.

L’éducation sur les concepts présentés sur ce site Web est essentielle pour le bon développement physique, social et mental des élèves. Nous ne sommes pas capables de changer le passé ou de régler les torts subis par des anciens élèves, mais nous pouvons changer le futur. Nous pouvons assurer la protection de nos élèves en nous renseignant sur le bien-être et la santé mentale, les identités intersectionnelles, la santé sexuelle et la sécurité en ligne et les réalités franco-queer. Mais surtout, nous pouvons enseigner l’acceptation de soi et nous assurer que chaque élève sait qu’iel a le droit d’être qu’iel veut. Pour assurer qu’aucun jeune ne doit passer le même parcours que moi et plusieurs autres élèves franco-queers : apprenons ensemble.

– Mireille Lemoine (elle/iel), jeune franco-queer